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Travail dissimulé : remettre les idées en place

Date de publication : 18 novembre 2016 à 11:00

Le travail dissimulé constitue pour l’État et la société un manque à gagner important en matière de participation au financement de la société : TVA, impôt sur le revenu, cotisations d’assurance maladie, d’allocations familiales, de retraite, etc.

Cependant, la loi ne retient pas qu’il puisse exister au moins deux complices pour commettre l’infraction de travail dissimulé : l’employeur et le salarié.

Pour le législateur, il y a d’un côté un acteur froid et cynique, l’employeur, et de l’autre une victime, partie faible du rapport contractuel de travail, le salarié.

Ce postulat de départ pourrait encourager le travail dissimulé, par le salarié, notamment dans les professions où il existe une tension sur le marché du travail, c’est-à-dire un manque de main d’œuvre.

En effet, en cas de travail dissimulé, l’employeur est sanctionné très sévèrement. En sus des sanctions pénales de travail dissimulé qui relèvent du tribunal correctionnel, l’employeur peut être condamné à verser au salarié :

– les salaires qui n’ont pas été déclarés (double perception par le salarié au bout du compte),

– des sommes plus ou moins importantes selon les circonstances,

– et, dans l’hypothèse où le contrat a pris fin depuis (indemnité pour rupture du contrat, non-respect de la procédure…), une indemnité spécifique égale à 6 mois de salaire, quel que soit le motif de fin de contrat (fin de CDD, démission notamment) – Article L 8223-1 du Code du travail.

L’employeur doit alors verser les cotisations sociales afférentes et perd les allégements de charges (dits loi Fillon) et déductions (dites loi TEPA) dont il a pu bénéficier – Article L 133-4-2 du CSS.

Le salarié, quant à lui, ne risque rien !

Il ne peut que percevoir des indemnités et salaires supplémentaires.

Il est la victime présumée de l’employeur et ne peut pas être considéré comme complice d’une telle fraude.

Rares sont les cas où le salarié complice et parfois instigateur de la fraude, ne touche pas (tous) les fruits de sa propre turpitude.

La Cour d’appel de Poitiers vient de rendre un arrêt qui réagit positivement à une telle situation, mais incomplètement du fait de la loi.

 

Les faits :

Un jeune restaurateur exploite sous la forme d’une SARL un petit restaurant qu’il vient de racheter. C’est sa première affaire.

Il embauche un salarié en qualité de serveur sous CDI à temps partiel. L’affaire marche mieux que prévue dans les premiers mois d’exploitation et il propose des heures complémentaires à son serveur. Ce dernier est réticent car il perdrait ses indemnités « pôle emploi ». Il demande à être rémunéré « au noir » pour continuer à percevoir ces indemnités.

Pour l’employeur, il est difficile de recruter une autre personne pour un temps de travail d’appoint, d’autant plus que le temps d’heures complémentaires nécessaire est inférieur aux 24 heures hebdomadaires.

Pris au dépourvu, l’employeur prend soin de rémunérer ces heures complémentaires avec des chèques tirés sur son compte bancaire personnel. Il en garde ainsi une trace.

Quelques mois plus tard, le salarié prend acte de la rupture aux torts de l’employeur et l’assigne devant le Conseil de Prud’hommes.

 

Ses demandes :

Il réclame la requalification de son emploi en un emploi à temps complet, le paiement de nombreuses heures supplémentaires, un préavis, des congés payés sur préavis, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’indemnité spécifique de 6 mois de salaire pour travail dissimulé.

 

Les décisions rendues :

L’affaire est mal engagée pour l’employeur qui a objectivement commis des erreurs.

Toutefois, sachant que le salarié indélicat a cumulé son salaire déclaré, ses rémunérations non-déclarées et un complément d’indemnité de Pôle Emploi, l’employeur obtient la production des relevés de Pôle Emploi. Le Conseil de Prud’hommes rejette les demandes d’heures supplémentaires, le salarié n’apportant pas les éléments suffisants pour étayer sa demande au regard des éléments produits par l’employeur et démontrant que de telles heures n’avaient aucune raison d’être au regard de l’activité du restaurant.

Le Conseil de Prud’hommes accueille favorablement l’argumentation de l’employeur qui rappelle que c’est le salarié qui, à l’origine, n’a accepté de faire les heures complémentaires que si elles n’étaient pas « déclarées ». Pour le Conseil, la fraude du salarié corrompt tout et sa demande ne peut prospérer.

Le salarié fait appel.

La Cour d’appel confirme le jugement et y ajoute une condamnation du salarié à verser à son ancien employeur une indemnité pour le dédommager du préavis non exécuté, puisque la prise d’acte produit les effets d’une démission, sans préavis effectué par le salarié.

La fraude du salarié l’empêche de pouvoir tirer profit des conséquences de la non-déclaration d’heures de travail à sa demande.

(CA Poitiers, Chambre sociale, arrêt n° 1092 du 5 octobre 2016, RG 15/02150)

 

Moralité :

L’employeur a échappé au pire.

Les salaires versés ainsi resteront « dans la poche » du salarié, non déductibles des revenus de l’employeur.

Le salarié indélicat n’a pas été condamné à rembourser à Pôle Emploi les indemnités injustement perçues. Il ne sera pas imposé sur les sommes perçues et non déclarées. Il ne subira pas de sanction de la part de Pôle Emploi qui n’est pas informé de la procédure.

Le Code du travail prévoit que lorsqu’un licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse, le juge ordonne en outre le remboursement à Pôle Emploi par l’employeur de tout ou partie des allocations chômage versées, dans la limite de 6 mois, même si Pôle Emploi n’intervient pas dans la procédure (dans le cas des entreprises occupant plus de 10 salariés et si le salarié concerné a au moins 2 ans d’ancienneté – Article L1235-4 Code du travail).

Le Code du travail n’a pas prévu, en cas de travail dissimulé, d’obligation, ou même la simple possibilité, de remboursement par le salarié des sommes perçues en cumul avec une activité rémunérée non déclarée.

Ce salarié restera malgré tout la victime et non le complice, encore moins l’instigateur.

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